Le dioxygène, la respiration, la circulation et le «sang»

Très souvent, on distingue à l'avant de la face dorsale de l'abdomen une tache lancéolée, parfois mise en évidence par un décor particulier : la tache cardiaque.

Un examen attentif de cette tache, à l'oeil nu chez les plus grosses araignées ou à l'aide d'une loupe chez les plus petites, montre des pulsations régulières : celles du vaisseau cardiaque, ou coeur.

Ce coeur ne possède qu'une cavité et pompe un sang clair et verdâtre, l'hémolymphe, dans un système ouvert : le sang mis sous pression par la contraction de la tunique musculaire circule dans les artères puis dans les artérioles, diffuse dans les tissus où il distribue le dioxygène et récupère le dioxyde de carbone excrété, puis est repris par les ostioles cardiaques (trous latéraux du coeur) munis chacun d'une valve empêchant la sortie de l'hémolymphe.

Le dioxygène est fixé sur un pigment protéino-métallique (le métal est du cuivre), l'hémocyanine, de couleur verte sous sa forme oxydée (d'où la couleur de l'hémolymphe des Arachnides, comme du sang des mollusques céphalopodes tels que poulpes ou calamars).

L'oxygénation des tissus est assurée chez les araignées par deux modes très différents, parfois de façon concomitante d'ailleurs :

  • Les araignées les plus anciennes (sous-ordres des Liphistiomorphes et des Mygalomorphes) ont quatre poumons à diffusion, très éloignés par leur structure et leur fonctionnement des poumons à ventilation de mammifères par exemple.
    Ces poumons, bien visibles sous la forme de quatre taches claires (arrondies vers l'avant et tronquées en arrière) sous l'abdomen de nos mygales par exemple, ne sont pas des soufflets dilatés musculairement, mais des empilements de saccules fixes aux parois très irriguées maintenues espacées par des piliers chitinisés, l'ensemble évoquant, en coupe transversale et sous le microscope, un livre vue par la tranche. Le terme anglais de cette structure est d'ailleurs très évocateur : book lungs, «poumons en livre», et elle porte en français le nom de poumons en feuillets.
    Ces structures s'ouvrent chacune sur l'extérieur par un stigmate pulmonaire.
    Le dioxygène qui pénètre ces feuillets diffusera à travers leurs membranes pour être fixé par l'hémocyanine de l'hémolymphe.
    L'efficacité d'un tel système est relativement faible, et entraîne un essoufflement rapide. Seuls des animaux de petite taille possèdent ce type de poumon (certaines araignées bien sûr, les scorpions, les escargots et les cloportes).
  • Les araignées les plus récentes ont développé, à partir de ces poumons, un système respiratoire semblable à celui des insectes : une paire de fins conduits aérifères, ouverts chacun sur l'extérieur par un stigmate (qui peut être commun à la paire de conduits), se ramifie dans tout le corps, amenant l'oxygène directement au contact des tissus sans être fixé par l'hémolymphe.
    Ces trachées sont visibles lors des dissections sous la forme de très fins tubules blanc brillant.
    Le déplacement de l'air y est assuré par les mouvements du corps lors des déplacements, et au repos par le flux sanguin qui génère la dépression nécessaire.

Entre les araignées à quatre poumons et les araignées à deux trachées, sont représentés les intermédiaires suivants (dans l'ordre qui est supposé être l'ordre chronologique d'apparition au cours des temps géologiques) :


    • Quatre poumons dans la première moitié de l'abdomen immédiatement suivis des filières
      , qui sont donc en position ventrale (famille des Liphiistidae, les plus primitives des araignées connues) ;

    • Quatre poumons dans la première moitié de l'abdomen, les filières en position terminale à l'extrémité de l'abdomen
      (cas des Mygalomorphes) ;

    • Deux poumons en position antérieure et deux trachées, aux stigmates souvent réunis, en position postérieure
      (cas de la plupart des Aranéomorphes) ;

    • Deux poumons en position antérieure, plus de trachée
      (configuration assez rare, observée chez les Pholcidae) ;

    • Très rarement, les poumons antérieurs se sont aussi transformés en trachées, qui sont alors au nombre de quatre ou de deux (famille cavernicole des Telemidae, représentée dans les Pyrénées surtout).
Copyright U Marinu/Norbert VERNEAU - mars 2002