L'alimentation, les besoins spécifiques

Fondamentalement, les araignées sont toutes des prédatrices et donc strictement carnivores.

Cette affirmation doit cependant être nuancée, en particulier dans le cas des araignées tissant des toiles géométriques à spire collante. Pour elles, certains chercheurs ont constaté que la quantité de proies capturée par les plus jeunes individus ne pouvaient suffire à leur croissance et à l'édification des premières toiles (la soie, comme il sera précisé plus loin, est une matière particulièrement coûteuse en protéines). En fait, on a remarqué que même sans aucune proie capturée, la croissance se poursuivait !

D'où la quantité «manquante» de nourriture peut-elle provenir ?

Ce pourrait bien être de la toile elle-même, consommée presque entièrement après chaque journée de chasse. Cette toile, même si elle n'a capturé aucun insecte, s'est couverte d'une fine poussière de pollen. En ingérant les fils de soie, la jeune araignée consomme donc aussi des grains de pollen, qui sont très riches en protéines végétales. Il est donc possible que certaines Araignées orbitèles écribellates (Tetragnathidae, Metidae, Argiopidae) commencent leur vie avec un régime alimentaire au moins en partie végétal.

Les besoins spécifiques sont très variables d'une famille à l'autre, d'une espèce à l'autre, ainsi que d'une classe d'âge à la suivante.

Certaines araignées sont capables de supporter des semaines voire des mois sans aucune prise de nourriture, que ce soit pour des raisons d'adaptation au climat (diapause hivernale ou estivale) ou aux aléas que tout prédateur peut rencontrer (disparition temporaire des proies de la zone de chasse).

Cette résistance au jeûne peut être exceptionnelle en laboratoire : une araignée-crabe juvénile du genre Heriaeus, oubliée dans une petite boîte de pellicule photo sur mon bureau, a été retrouvée plus de cinq mois plus tard, terriblement amaigrie mais bien vivante, et capable de capturer avec avidité la petite mouche proposée alors !

Le risque majeur pour la survie dans ces conditions peu naturelles est la déshydratation, qui intervient rapidement, en quelques jours, quand le récipient utilisé pour conserver vivante l'araignée n'est pas quasiment étanche.

Parmi les araignées naturellement les plus résistantes au jeûne, on peut bien sûr citer les espèces recherchant des biotopes pauvres en proies tels que les cavernes, les terrains très secs ou les habitations humaines. Une tégénaire installée dans un appartement peut ainsi se retrouver sans insecte dans sa toile pendant des semaines sans en être affectée.

Suivant l'âge, les besoins varient également.

Les femelles venant d'être fécondées sont particulièrement voraces, les besoins en nutriments pour préparer la ponte (non seulement en faisant grossir les ovules et leurs réserves, mais aussi en sécrétant les soies pour construire le cocon) étant énormes. Il suffit pour s'en convaincre d'observer l'embonpoint des araignées juste avant l'émission des oeufs et l'extrême amaigrissement qui la suit.

Les mâles adultes, tout au contraire, se consacrent exclusivement à la recherche d'une partenaire et ne se nourrissent plus, sauf exception. Leur durée de vie à l'âge adulte est d'ailleurs généralement très courte, ce qui peut les faire paraître très rares par rapport au nombre de femelles dans les relevés de terrain.

Copyright U Marinu/Norbert VERNEAU - mars 2002