Une autre illustration est donnée par
la technique de conservation à sec des grosses araignées :
on en pique une fraîchement morte avec une fine aiguille
de seringue dans le céphalothorax au niveau de la bouche,
puis on injecte doucement de l'alcool à 70°. Les pattes,
recroquevillées sous le corps de l'araignée morte,
s'étendent au fur et à mesure de l'injection
jusqu'à leur maximum d'extension.
Après traitement de l'abdomen (incision
ventrale pour extraire les organes puis remplissage avec du coton
pour les très grosses araignées, ou injection d'alcool
par l'extrémité postérieure), l'animal peut
être classiquement maintenu sur plaque de liège
ou de polystyrène par des aiguilles jusqu'à ce
que la dessiccation rigidifie définitivement les articulations.
La pression de l'hémolymphe des araignées
a pu être mesurée, et elle est effectivement
très élevée, atteignant les valeurs impressionnantes
de 400 à 500 grammes par centimètre carré
(par comparaison, l'hémolymphe des insectes est à
une pression de quelques grammes par centimètre carré).
On comprend alors que la moindre blessure entraîne fréquemment
une telle hémorragie que la mort est inévitable
(voir l'image ci-dessus).
Les araignées se déplacent très habilement,
tant sur le substrat pour les espèces errantes que sur
les fils de soie des toiles pour les sédentaires. Ces
dernières disposent de trois griffes armées de
denticules à l'extrémité des tarses, ce
qui leur donne une excellente accroche.
Les araignées errantes disposent, elles, de
touffes de soies villeuses, les fascicules unguéaux
à l'extrémité des tarses et les scopulas
sous les tarses et les métatarses, leur permettant d'adhérer
par capillarité au film aqueux recouvrant les objets.
C'est ainsi que des espèces comme Zoropsis
spinimana (Dufour) sont capables de marcher à
l'envers, au plafond d'un appartement, ou que les araignées-loups
du genre Arctosa courent littéralement à
la surface d'un plan d'eau calme.
La seule araignée subaquatique d'Europe, l'Argyroneta
aquatica (Clerck), absente de nos régions insulaires,
se déplace sous l'eau en nageant avec ses pattes, un peu
à la manière de certains crabes.
Une autre araignée aquatique, la grande dolomède
Dolomedes fimbriatus (Clerck),
est capable de se déplacer sous l'eau en s'agrippant aux
tiges des plantes. L'air emprisonné dans sa toison soyeuse
la fait remonter à la surface comme un bouchon dès
qu'elle lâche prise.
Les déplacements aériens chez les araignées
sont surtout le fait des juvéniles, essaimant ainsi à
distance du lieu de naissance et occupant des espaces libres.
Ce «vol» n'est bien sûr pas actif, les
araignées ne disposant d'aucun organe comparable aux ailes
des insectes.
La méthode consiste à filer
dans un vent chaud un ou plusieurs longs fils de soie légère
qui, par leur surface importante et leur légèreté
offrent une prise suffisante au vent pour entraîner l'Araignée
aéronaute dans l'atmosphère. Les individus qui
doivent essaimer le font souvent en cohorte, les jeunes issus
d'un même cocon partant pratiquement au même moment.
Le ciel peut se retrouver ainsi envahi de myriades de fils irisés,
nommés fils de la vierge et qui ont même déjà
été pris pour des Objets volants non identifiés
(O.V.N.I.) par des témoins étonnés ! L'atterrissage
en masse des Araignées donne lieu également à
des phénomènes marquants, surtout quand il se produit
sur les draps blancs juste étendus au soleil Ces essaimages
se produisent principalement en automne et au printemps, saisons
d'émergence des cocons. Les familles les plus constantes
sous nos cieux méridionaux sont les Lycosidae, les massives
Thomisidae, mais aussi les Linyphiidae (les membres de la sous-famille
des Erigoninae, tous très petits, sont connus pour essaimer
même à l'âge adulte), les Zora
La position que prend l'Araignée quand elle cherche à
essaimer est caractéristique : perchée au plus
haut de la brindille, de la branche, ou du piquet de clôture
choisi comme « piste de décollage », elle
s'agrippe fermement par ses griffes et, abdomen tendu vers le
ciel, laisse le vent étirer la soie émise par les
filières. Quand elle sent que la traction est suffisante,
elle lâche prise et commence un vol d'une durée
et d'une portée très variable (de quelques mètres
à plusieurs dizaines de kilomètres). Un tel voyage
est très risqué, d'une part en raison des oiseaux
insectivores les capturant au passage, mais surtout parce que
l'Araignée ainsi aéroportée ne maîtrise
en rien son lieu d'atterrissage. La présence de telles
voyageuses dans l'estomac de truites venues les gober lors d'une
arrivée sur l'eau d'un lac ou d'une rivière est
là pour en témoigner.
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Une jeune araignée-crabe Xysticus se perche à
l'extrémité d'un rameau et sécrète
un long fil de soie dans le vent chaud d'une matinée d'automne.
Quand ce fil offrira assez de prise au vent, l'araignée
aéronaute prendra l'air.
Ajaccio, 1992. |
Le système nerveux central des
araignées est localisé autour de la région
antérieure du tube digestif.
Les différents ganglions nerveux y sont réunis
en une masse bilobée compacte :
(1) la masse ganglionnaire située au-dessus de l'oesophage,
ou syncérébron, reçoit les nerfs
optiques au niveau d'un protocérébron,
très développé chez les araignées
dotées d'une bonne vue, et les nerfs chélicériens
au niveau d'un tritocérébron ;
(2) la masse ganglionnaire sous-oesophagienne est constituée
par les ganglions sous-oesophagiens, d'où sont
issus les nerfs des pattes et pédipalpes, et par
les ganglions abdominaux d'où sont issus les nerfs
du pédicule et de l'abdomen.
Les neurones des araignées sont relativement concentrés
et occupent un volume plus important, proportionnellement à
la masse corporelle, que chez n'importe quel autre arthropode.
Ce développement est dû à l'extrême
étroitesse du tube digestif, rendue possible par l'alimentation
liquide résultant de la digestion externe :
une nourriture solide, comme c'est le cas chez la plupart des
insectes par exemple, impliquerait un diamètre intestinal
important, et donc limiterait le volume du «cerveau».
Les modes de perception de l'environnement
chez les araignées sont des multiples natures :
(1) La chimioreception (sens du «goût»
: chimioreception de toucher ; sens de «l'odorat»
: chimioreception à distance) est très développée.
Les molécules chimiques sont captées par
des soies creuses, peut-être aussi par des orifices
épidermiques, et leur nature est analysée par
le système nerveux central.
Ces récepteurs sont rassemblés essentiellement
sur les pédipalpes et, dans une moindre mesure,
sur les pattes ambulatoires.
Les proies capturées sont ainsi, préalablement
à toute consommation, «goûtées»
par les pédipalpes.
Cependant, le goût de l'aliment est plus finement apprécié
au niveau de la bouche et une proie acceptée par les
pédipalpes peut être rejetée au moment du
repas.
Ce sens de l'odorat est porté à son paroxysme
chez les mâles d'araignées qui, comme beaucoup
d'autres mâles d'arthropodes, sentent les phéromones
sexuelles des femelles à des distances considérables.
Cette recherche vitale de l'autre sexe est, chez les araignées,
intimement liée à l'imprégnation des fils
de soies par les odeurs phéromonales de la femelle. Ainsi,
le mâle errant est capable de reconnaître le fil
de sécurité laissé en permanence derrière
une femelle et même de le suivre dans la bonne direction
sans se tromper. Les fils des toiles sont également odorants,
et il est probable que les phéromones produites par les
araignées sédentaires, qui bien sûr ne laissent
pas de fils à la traîne, soient portées par
l'air jusqu'aux mâles.
(2) Le sens tactile est probablement le plus développé
chez de nombreuses familles d'aranéides.
Il faut ici comprendre que les araignées touchent aussi
bien le substrat (détection des vibrations occasionnées
par la marche d'une proie sur le sol, d'une feuille, voire même
à la surface de l'eau, ou par les soubresauts de l'insecte
empêtrés dans un piège de soie) que l'air
(détection des mouvements par les ondes qu'ils occasionnent
dans l'air : faculté sensitive à rapprocher de
ce qu'est pour nous l'audition).
Cette sensibilité est due à des productions
épidermiques de deux sortes, peut-être de trois :
- Les soies sensorielles, essentiellement des trichobotries
(soies très mobiles, fines et longues, insérées
dans une petite cupule épidermique et reliées à
un nerf).
Leur disposition, sur les pattes en particulier, est utilisée
en systématique pour identifier les plus petites araignées
de nos contrées, les Linyphiinae
en particulier.
D'autres soies, plus courtes et à la cupule d'insertion
plus discrète, semblent être des formes simplifiées
ou régressées de ces trichobotries.
- Les organes lyriformes se présentent sous l'aspect
de fissures épidermiques perçant les plaques
sclérotisées.
Elles peuvent être isolées ou groupées,
et sont sensibles à la pression exercée sur
l'épiderme (sens du «toucher») ainsi qu'à
la position du corps dans l'espace («équilibre»).
- Les organes tarsales, qui sont des cupules sclérotisées
de la face supérieure de tous les tarses, jouent peut-être
un rôle dans l'olfaction ou dans la détermination
du taux d'humidité de l'air.
(3) Les organes des sens les plus accessibles à
notre conception de la perception, sont bien sûr les yeux.
Cependant, ils ne sont très souvent que des organes
«accessoires» pour la plupart des araignées,
qui vivent dans des univers tout de vibrations (de l'air,
du substrat, des fils de soie) et de messages chimiques
(odeurs, goûts).
Les caractéristiques de la vision des araignées
sont les suivantes :
- Seules les araignées sauteuses (famille des
Salticidae) ont un besoin
vital de la vue : aveuglée par un vernis opaque,
une saltique sera incapable de se nourrir et périra rapidement.
Par contre, une araignée comme la banale tégénaire
(famille des Agelenidae) continuera
de vivre avec un tel vernis déposé sur ses yeux :
la prise de nourriture, la mue, et même l'accouplement
et la ponte n'en seront guère affectés.
- Situés à l'avant
du céphalothorax, les yeux sont normalement
au nombre de huit, bien qu'ils soient réduits à
six chez la plupart des familles haplogynes, voir
même à quatre, à deux ou à aucun
chez les araignées complètement cavernicoles.
- Tous les yeux des araignées sont simples, dans
ce sens qu'ils ne sont pas composés d'une multitude
de lentilles comme les yeux composés des insectes
mais d'une seule lentille.
Seuls les yeux médians antérieurs sont capables
d'une vision directe avec leurs cellules sensitives pointées
vers l'extérieur, et ils sont en outre dotés d'une
musculature permettant les mouvements de rétine autorisant
la mise au point.
Les autres yeux sont indirects, la lumière devant
traverser les cellules sensitives qui lui «tournent le
dos», se réfléchir sur le tapetum lucidum
du fond de l'oeil pour enfin les exciter. Cette disposition rend
les yeux indirects très brillants, blancs, en particulier
quand la lumière du flash les illumine.
Ces yeux indirects sont pleinement efficaces par faible luminosité,
de nuit, et caractérisent les araignées effectivement
nocturnes.
Chez les familles ne possédant que six yeux, ce sont
les médians antérieurs qui manquent.
- Outre la lumière visible (les couleurs
au sens ou nous l'entendons), détectée chez toutes
les araignées munies d'yeux, certaines espèces
au moins sont capables d'analyser la lumière polarisée.
Une telle faculté est pleinement efficace pour s'orienter
sur une toile dont les fils de soie polarisent la lumière,
ou plus généralement pour s'orienter par rapport
à la position du soleil dans le ciel (même une
simple trouée de ciel bleu entre les nuages) pour retrouver
son repaire.
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