La production de soie


Une embie Haploembia solieri est visible à travers le voile de soie en tube qu'elle a tissé sous une pierre.
Corte, 1994.

 


De tous les arthropodes connus, les araignées sont les meilleures tisserandes.

Même si elles n'ont pas le monopole de la fabrication de la soie (on peut citer les cocons ou les nids de papillons aussi célèbres que le Bombyx morio, ou ver à soie, ou encore l'imprononçable Taumethopoa pityocampa, beaucoup plus connu sous le nom de chenilles processionnaires du pin, redoutablement urticantes ; les embies, petits insectes très peu connus mais dont les tubes de soie placés sous les pierres dans les régions chaudes sont souvent confondus avec ceux d'une araignée), les araignées l'ont porté à des niveaux jamais égalés.


Les glandes séricigènes sont situées dans l'abdomen. On en connaît neuf types au moins, mais les identifier toutes demande des observations poussées rendues possibles uniquement par la microscopie électronique et la biochimie.

Elles occupent un volume variable dans l'abdomen, suivant que l'araignée considérée est une grande fileuse (Argiopidae) ou non (Salticidae).

Chaque type de glande (glandes ampullacées, tubuliformes, aciniformes, agrégées, flagelliformes, cribelliennes) débouche à l'extérieur par des orifices qui lui sont propre, placés à l'extrémité des filières, les fusules.

La soie est une production essentiellement protéinique, liquide, stockée dans les glandes jusqu'à son émission. Elle ne sèche pas à l'air contrairement à ce que l'on pourrait croire, mais c'est l'étirement qu'elle subit à son excrétion, soit par le mouvement volontaire des pattes postérieures de l'araignée qui «extrait» sa soie, soit par le déplacement du corps après fixation du fil, soit encore par l'action de la brise, qui entraîne la polymérisation des protéines et autres glucides associés (la fabrication industrielle des fils synthétiques tels que le Nylon se déroule de la même façon). Une araignée comme l'argyronète est d'ailleurs tout à fait capable de tisser sa toile sous l'eau, ce qui ne gêne en rien le durcissement des sécrétions soyeuses.


Une Argiopidae, Agalenatea redii, recouvre de soie sa proie, une guêpe. Les fils sortent des filières, à l'extrémité de son abdomen. Cet emmaillotage empêche tout mouvement et met l'araignée à l'abri d'un coup de dard.
Corte, 1990.

 


Toile orbitèle de la très commune méta d'automne, Meta segmentata.
Corte, 1990.


Cette soie est très coûteuse en terme énergétique pour l'araignée, qui doit puiser dans ses réserves nutritives pour la fabriquer, et elle évitera le moindre gaspillage.

Les araignées orbitèles écribellates (Tetragnathidae, Argiopidae, Metidae), qui tissent une nouvelle toile chaque jour, consomment la toile usagée et recyclent ainsi les protéines.

La vitesse de ce recyclage est impressionnante, puisque quelques dizaines de minutes suffisent pour que la soie (marquée par des radionucléides pour pouvoir être «suivie») se retrouve dans la nouvelle production.


Les utilisations de la soie (ou plutôt des soies), déjà évoquées dans les chapitres précédents, sont multiples :

  • Le fil de sécurité est une production commune à toutes les araignées. Elles fixent de place en place un petit disque qui sert de fixation au câble de sécurité à proprement parler, câble qui retiendra l'araignée en cas de chute intempestive et qui, en outre, la guidera lors du retour au repaire.
    C'est ce fil que les femelles errantes matures imprègnent de phéromones et que les mâles suivront pour la trouver.
    Ce même fil, émis au vent et entraîné jusqu'à un obstacle éloigné, permet l'édification de passerelles. Le cadre des toiles géométriques est commencé de cette façon.

 
 

 


Amas de fils de la vierge reflétant et décomposant la lumière du soleil d'automne. Les araignées qui essaiment ici sont des araignées-crabes du genre Xysticus.
Ajaccio, 1989.


  • Le fil aéronautique (fil de la vierge) consiste en l'émission au vent d'un ou de plusieurs très longs fils du même genre que le fil de sécurité et qui offrent à un moment une prise suffisante aux courants d'air chaud ascendants pour entraîner l'araignée dans les airs.
    Une fois revenus au sol, après l'abaissement de la température de l'air ou la rencontre avec un obstacle, ces fils sont alors abandonnés.


  • Les loges, que ce soient de simples abris, des chambres de mue ou des chambres de ponte, sont des sacs en soie plus ou moins épaisse selon les espèces, fixés généralement au substrat (sous une pierre, dans une feuille sèche).

 


Un Phrurolithus flavitarsis dans sa loge de soie fine, déchirée lorsque la pierre l'abritant a été soulevée.
Pozzu di Brandu, 1996.

 


Cocon de Zygiella x-notata au moment ou les toutes jeunes araignées en sorte, avant de se disperser.
Pozzu di Brandu, 1995.


  • Les cocons sont des sacs d'une complexité très variable, depuis quelques fils entourant le paquet d'oeufs jusqu'aux épaisseurs de soies multiples et à caractéristiques très précises (isolation thermique, isolation vis-à-vis de l'eau, vis-à-vis des prédateurs).
    Certaines Araignées les couvriront de débris divers pour les camoufler ou les lester (s'ils sont suspendus sous une pierre), d'autres les transporteront fixés à leurs filières ou accrochés aux chélicères.


  • Les toiles de capture, associées ou non à une retraite, ont été détaillées auparavant.
    Rappelons simplement que leur diversité est très grande, même au sein de familles homogènes comme les Uloboridae ou les Metidae.

 


Retraite de l'Argiopidae Zygiella x-notata, tissée entre les rameaux de la tige d'asperge. Elle rappelle la toile en tube d'autre araignées.
Bastia, 199.
Copyright U Marinu/Norbert VERNEAU - mars 2002