Les araignées dans les écosystèmes
Les biotopes et les modes de vie

 

Les araignées sont répandues partout à la surface du globe, et occupent les habitats les plus variés.

Seules les régions polaires sont dépourvues d'espèces, bien que quelques petites Linyphiidae soient connues à quatre-vingt-trois degrés de latitude nord.

En altitude, le record appartient à une petite Salticidae qui, dans la chaîne de l'Himalaya, grimpe jusqu'à plus de six mille mètres.

Le milieu subaquatique est très pauvre : seule l'argyronète mène entièrement son existence sous l'eau, et quelques-unes autres (Desis, Desidiospis...) s'installent juste à la limite du niveau supérieur de la mer et se retrouvent sous l'eau à chaque marée ou à chaque tempête.

Suivant la position du ou des biotope(s) fréquenté(s) par rapport à la surface du sol, on distingue classiquement deux grands groupes d'araignées :

  • les araignées hypogées, qui vivent sous la surface du sol, qui sont dites terricoles quand elles vivent dans un terrier, lapidicoles hypogées quand elles vivent sous les pierres à la base enfoncée dans le sol ou cavernicoles quand elles fréquentent les grottes ;
  • les araignées épigées, qui vivent sur ou au-dessus de la surface du sol, et qui peuvent être sédentaires (généralement sur une toile) ou errantes, parfois spécialisées quant au substrat :
      • araignées lapidicoles épigées sous les pierres non enfoncées dans le sol,
      • frondicoles dans les feuillages, floricoles sur les fleurs,
      • les araignées aquatiques ont la particularité de fréquenter les étendues d'eau et d'en dépendre.

Les araignées terricoles sont soit capables de forer par leurs propres moyens un terrier dans le sol, soit capables de rechercher et utiliser des terriers abandonnés d'autres petites bêtes ainsi que des fissures et autres cavités naturelles.

Les espèces forant leur propre terrier ne sont pas très nombreuses, mais peuvent être abondantes en certains lieux particulièrement propices. Les plus connues sur la zone couverte par ce guide sont incontestablement les mygales fouisseuses (famille des Ctenizidae et des Nemesiidae), ainsi que les Eresidae et, plus ponctuellement, les Lycosidae.

Les terriers des mygales sont clos par un opercule à charnière fermant hermétiquement l'ouverture du terrier. Celui-ci peut, suivant les espèces, être simple ou posséder un ou plusieurs diverticules clos par des opercules internes.

Les grandes lycoses creusent un terrier (sans opercule, sauf exception : ainsi, la Lycosa oculata Simon, connue de Bonifacio, pourrait en tisser un en soie épaisse au moins à certaines occasions) à la bordure entourée d'une margelle en grains de sable, brindilles, etc. cimentés par de la soie.

Les Eresus enfin creusent un terrier oblique tapissé de soie et terminé par un large auvent de soie destiné à la capture des proies.

Ce sont dans tous les cas les chélicères qui sont utilisés comme outils de forage. Ceux des mygales portent, des dents fortement sclérotisées pour accomplir ce travail.

Les espèces qui occupent les terriers abandonnés d'autres araignées ou insectes comme les cavités naturelles (fissures des talus, galeries des racines mortes, joints des murs en pierres sèches) sont nombreuses, souvent abondantes.

Par contre, les pierres enfoncées dans le sol ne recèlent que peu d'araignées, mal connues car souvent très discrètes et de taille minuscule.

Les techniques de chasse particulières à la microfaune du sol (système de Berlèse) sont à mettre en oeuvre pour les débusquer.

Les grottes enfin hébergent une faune tout à fait originale, très spécialisée et bien étudiée.

Selon la distance à l'ouverture de la caverne, on distinguera :

  • des espèces troglobies qui ne peuvent vivre à l'extérieur et qui présentent des caractères adaptatifs très poussés (disparition des yeux, allongement extrême des pattes, cycle reproductif se déroulant entièrement dans la grotte),
  • les espèces troglophiles qui peuvent vivre hors des grottes dans des biotopes très sombres (dessous des pierres, fissures du sol, fourmilières),
  • et enfin les espèces trogloxènes qui ne recherche les entrées de grottes que pour l'obscurité et l'humidité qu'elles offrent mais n'en dépendent pas absolument pour leur survie.

Les araignées errantes se trouvent partout, la plupart des espèces étant cependant spécifiquement liées à certains biotopes - l'araignée sauteuse Menemerus semilimbatus (Hahn) se trouve seulement sur les rochers ensoleillés et les murs.

Les araignées sédentaires recherchent un biotope le plus souvent bien déterminé, dont le choix est régit par une série de critères tant abiotiques (nature du substrat, microclimat) que biotiques (distance minimale à respecter avec ses paires).

Ainsi, on peut reconnaître certaines espèces morphologiquement très semblables par la hauteur à laquelle la toile est tendue :

Linyphia tenuipalpis Simon file sa toile «à baldaquin» en 0,5 et 1,5 m de hauteur dans les buissons,

Linyphia maura Thorell préfère des emplacement à moins de 0,3 m du sol,

Linyphia triangularis (Clerck), en véritable ubiquiste, choisit des hauteurs variant de 0,1 à 6 m !

Les espèces lapidicoles occupent la face inférieure des pierres, tissant leur toile entre la pierre et le sol, à la surface de la pierre ou encore dans les anfractuosités de cette pierre ; la plupart sont nocturnes.

Les araignées qui fréquentent les arbres et arbustes, dites frondicoles, sont souvent très bien camouflées.

Les quelques espèces qui se postent sur les fleurs épanouies, à l'affût des insectes butineurs, sont dites floricoles et appartiennent pour l'essentiel à la famille des Thomisidae.

La litière des sous-bois comme les mousses et autres bases des herbes recèlent également un grand nombre d'espèces, la plupart du temps de très petite taille et difficiles à observer.

Enfin, les araignées peuvent être également aquatiques, recherchant les biotopes dulçaquicoles (Dolomedes spp., Tetragnatha spp., Larinioides spp., Arctosa spp...) ou marins (Desidiopsis racovitzai Fage des trottoirs d'algues calcaires du littoral méditerranéen).

Seule l'argyronète, Argyroneta aquatica (Clerck), vit la majeure partie de sa vie sous l'eau, dans une toile en dôme renfermant une provision d'air patiemment constituée par des allers-retours entre la surface et la toile, de l'air restant piégé par les soies abdominales (elle est absente de Corse)

Les araignées profitent souvent, comme bon nombre d'autres petites bêtes, des habitations humaines. Elles y trouvent un climat tempéré leur permettant de passer la mauvaise saison à l'abri.

Certaines, dites araignées domestiques, ont accompagné l'homme dans ses déplacements et vivent dans ses maisons, serres, entrepôts, etc. en passant bien souvent inaperçues, et surtout en étant localement incapables de vivre en extérieur.

C'est par exemple le cas du très commun Holocnemus pluchei (Scopoli) qui, s'il vit normalement dans les creux de rochers à basse altitude en Corse, ne se trouve que dans les maisons de la moitié nord de la France ou en altitude.

Les moyens de transports modernes contribuent à étendre les aires de répartition de certaines espèces vivant près de l'homme, comme cela semble être le cas de la Steatoda nobilis(Thorell) qui, depuis le nord de l'Afrique et l'Espagne, gagne tout le littoral méditerranéen (elle aime tisser sa toile sur les voitures, machines agricoles).


Communauté de petites araignées dans des logettes de soie disposées côte à côte sous une pierre. Ce sont des adultes et subadultes. La famille est probablement celle des Erigoninae ou des Theridiidae, mais en l'absence de capture cela demeurera un mystère...
Corte, 1994.

La sociabilité des araignées, connue depuis très longtemps, reste exceptionnelle.

Seules quelques espèces tropicales peuvent être considérées comme véritablement sociales, vivant sur de gigantesques toiles communes.

Cependant, au moins un cas de sociabilité est connu de Corse sans que l'identité exacte de l'espèce soit connue, faute d'individus capturés (voir image ci-contre).