La digestion et la nutrition

Les araignées ont comme caractéristique de prendre une nourriture quasiment liquide obtenue par la digestion externe des tissus des proies.

La première étape de ce processus très rare au sein du règne animal consiste en l'envenimation de la victime (sauf pour la famille des Uloboridae, dont les membres sont dépourvus de glandes à venin), le venin commençant à nécroser les organes atteints (certaines araignées, de la famille des Loxoscelidae, sont d'ailleurs redoutées pour la puissance nécrosante de leur morsure, pouvant même dans les cas extrêmes entraîner le décès d'un homme).

Pour ce faire, les araignées possèdent à l'avant du céphalothorax une paire d'appendices caractéristiques de l'ordre : les chélicères, composées de deux segments, la base ou tige et le crochet.

Ces appendices sont avant tout destinés à l'injection du venin, et accessoirement à forer le sol (familles des Ctenizidae et des Nemesiidae), à maintenir la femelle pendant l'accouplement (famille des Tetragnathidae) ou à menacer un ennemi.

C'est le crochet, de taille très variable selon les groupes et parfois même selon le sexe au sein d'une même espèce, mais toujours très effilé, qui pénètre la proie. La base développe la force musculaire nécessaire.


Une petite Dictyna civica femelle a capturé, grâce à sa toile cribellée particulièrement adhésive et résistante, un énorme taon. Elle s'attable à ce repas monstrueux, liquéfiant le contenu de la cuticule et suçant la bouillie obtenue à travers les orifices percés par ses chélicères. Mais terminera-t-elle ce repas disproportionné avant que la putréfaction de fasse son oeuvre ?
Viscuvatu, 1999.


Une Salticidae, Carrhotus xanthograma, est en train de sucer le jus qui exude de sa proie, une araignée-crabe du genre Xysticus, malaxée et broyée par les lames maxillaires.
Ajaccio, 1991.

Les glandes venimeuses sont très variables en taille, certaines n'occupant qu'une partie de la base des chélicères, d'autres en débordant largement à l'intérieur du céphalothorax.

Seule la famille des Uloboridae, représentée sous nos latitudes par les genres Uloborus, Sybota et Hyptiotes, en est complètement dépourvue (ces espèces capturent leurs proies avec leurs toiles cribellées très adhésives et les maîtrisent grâce à leur étonnante habileté à les emmailloter, puis les tuent en les arrosant de sucs digestifs).

La glande proprement dite est entourée par une bande musculaire spirale la comprimant lors de la morsure.

Le canal excréteur traverse tout le crochet pour déboucher un peu en avant de sa pointe, évitant ainsi l'obstruction lors de la pénétration.

Ensuite, des sucs digestifs riches en enzymes sont régurgités, soit par les petits trous percés par les crochets des chélicères à travers la cuticule de la proie (cas des Thomisidae, Theridiidae), soit directement sur le corps en train d'être broyé et malaxé par les lames-maxillaires (les hanches des palpes, c'est à dire leur premier article, sont élargies chez quelques Mygalomorphes et chez toutes les Aranéomorphes en deux lames encadrant la bouche, dites lames maxillaires) et les chélicères (familles des Lycosidae, des Salticidae...).

Les particules alimentaires, qui ne doivent pas excéder une taille de l'ordre du micromètre pour pouvoir progresser dans le tube digestif, sont filtrées par les touffes de soies villeuses dites scopulas des lames maxillaires des pattes-mâchoires.

Ce sont le pharynx (portion verticale du tube digestif suivant la bouche) et le jabot (placé dans la première portion horizontale du tube digestif, dilatable par de puissants muscles insérés sur ses faces entourées de plaques sclérotisées -action aspirante- et pouvant à l'inverse être fortement resserré par son muscle circulaire constricteur -fonction excrétrice-) qui jouent le rôle de pompe aspiratrice des tissus liquéfiés, mais aussi celui de pompe refoulant les sucs digestifs responsables de cette liquéfaction.

Les diverticules latéraux du tube digestif, très étendus, atteignent les hanches des pattes ambulatoires et ont en charge la digestion interne de la bouillie aspirée.


Une Argiopidae, Agalenatea redii, est occupée à sucer les tissus liquéfiés de sa proie emmaillotée de soie, une guêpe.
Vallée de la Restonica, 1989.
Copyright U Marinu/Norbert VERNEAU - mars 2002