La chasse
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Les proies capturées le sont toutes vivantes,
sauf pour les araignées volant les proies déjà
mortes des autres araignées. Dans l'immense majorité
des cas, ces proies sont des insectes ou d'autres arachnides,
plus rarement des myriapodes (iules, scolopendres), des
crustacés (cloportes) ou des vertébrés
(petits poissons, larves d'amphibiens, jeunes reptiles ou très
petits mammifères).
Toutes prédatrices, les araignées présentent
une très grande variété de techniques de
chasse, et quelques-unes ont même abandonné cette
activité, préférant voler les proies capturées
par la toile d'autres Araignées !
Ces espèces, représentées par la seule
Argyrodes gibbosus (Lucas) dans le nord-ouest méditerranéen,
sont classiquement dites kleptoparasites. Cependant, elles
ne parasitent pas réellement leur hôte puisqu'elles
ne prélèvent pas de sa propre substance, comme
le ferait un insecte hématophage par exemple. Le terme
de kleptocommensale, littéralement «voleuse
mangeant à votre table», est plus approprié
et sera employé ici. De plus, le terme de kleptoparasite
est déjà utilisé pour décrire les
parasites et parasitoïdes pénétrant dans le
corps de leur hôte par la perforation réalisée
par un premier parasite.
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Une proie peu habituelle pour cette Achaeranea
tepidariorum (famille des Theridiidae) : un jeune lézard
Podarcis muralis. Vence, 1997. |
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Femelle mature d'Argyrodes gibbosus sur
la toile d'une agélène.
Ajaccio, 1996. |
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Les techniques de chasse sont généralement
classées en fonction de l'utilisation que l'araignée
y fait de sa production de soie. On parle ainsi des araignées
errantes, chassant à courre ou à l'affût,
et des Araignées sédentaires chassant grâce
à différents pièges de soie.
- (1) Les Araignées errantes diurnes sont dotées
d'une bonne vue qui, associée à leurs autres sens
(détection des vibrations du substrat, odorat), leur permet
de repérer leurs proies. Les yeux sont de type «diurnes»
et apparaissent noirs à l'observation. Certains peuvent
être très développés. Ce sont essentiellement
des araignées sauteuses (famille
des Salticidae), des araignées-loups
(famille des Lycosidae), des pisaures
et dolomèdes (famille des Pisauridae), des araignées-lynx (famille des Oxyopidae)
ou encore des Eusparassidae.
Généralement, elle se précipite simplement
sur la proie convoitée, ou lui bondit dessus, et la maîtrise
grâce à ses pattes antérieures armées
d'épines avant de lui infliger une morsure venimeuse.
La taille des proies est généralement inférieure
à celle de l'Araignée. La nuit se passe à
l'abri dans une loge de soie (Salticidae), sous une pierre ou
un autre débris au sol (Lycosidae) ou encore dans la végétation
(Oxyopidae, Pisauridae, Eusparassidae).
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Portrait d'une grosse femelle d'Hogna radiata
montrant les yeux de type diurnes, noirs et assez développés.
Ajaccio, 2000. |
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- (2) Les Araignées errantes nocturnes, contrairement
aux précédentes, n'ont pas une vue très
bonne, et leurs yeux médians postérieurs sont de
type «nocturnes», argentés. Cette brillance
est due à la réflexion de la lumière sur
une surface dite tapetum lucidum, qui rend la détection
par très faible luminosité plus efficace. Cependant,
la détection des proies est plus du fait des organes sensibles
aux vibrations que de la vue. Ce sont par exemple les Gnaphosidae, les Clubionidae
ou les Anyphaenidae. Les premières
tissent leur loge de soie sous les pierres et autres débris
au sol, les autres dans la végétation. La chasse
se déroule de la même façon que chez les
errantes diurnes, mais il semble assez fréquent, pour
les Gnaphosidae au moins, que des insectes marchant sur la loge
de soie abritant l'Araignée dans la journée soient
également saisis et dévorés.
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Chiracanthium siedlitzy errant de nuit sur le feuillage
d'un arbuste.
Poghju di Venacu, 1995. |
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- (3) Les Araignées errantes chassant à l'affût
sont le plus souvent très bien camouflées, et la
plupart tirent profit d'un mimétisme très
réussit. Ce mimétisme tient tant à la couleur
(verts, jaunes, gris et bruns essentiellement) qu'à la
forme du corps (aplati, tuberculé) et à son ornementation
(soies drues à l'image des poils des feuilles de certains
végétaux). L'immobilité, tenue très
longtemps, est également un gage de mimétisme efficace.
Enfin, les espèces non camouflées par leur coloration
sont capables de cacher leur corps sous les feuilles ou les pétales
des plantes, utilisant pour ce faire quelques fils de soie qui
maintiennent les éléments végétaux.
Les deux familles les plus représentatives de ce mode
de chasse sont les araignées-crabes
(Famille des Thomisidae) et les Philodromidae.
Les araignées-crabes ont des représentants aussi
bien au sol ou sur les écorces des arbres (Xysticus,
Oxyptila, Tmarus) que sur les plantes
(Synaema, Diaea, Heriaeus,
Misumenops, Runcinia) ou plus spécifiquement
sur les fleurs épanouies (Misumena, Thomisus).
Les Philodromidae ont aussi des représentants au
sol (Philodromus, Thanatus) et dans
la végétation (Tibellus, Philodromus).
Les proies sont saisies promptement à leur passage au
plus près des pattes antérieures, armées
pour les retenir de fortes épines. La morsure est très
rapide (si rapide que le regard humain ne la perçoit que
difficilement) et l'effet du poison est fulgurant, d'autant plus
qu'il est injecté avec une grande précision au
plus près des ganglions nerveux cérébraux
de l'insecte. Ici, la taille des proies peut être très
supérieure à celle de l'Araignée.
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Une
grosse femelle de l'araignée-crabe très commune
Synaema globosum est occupé à dévorer
sa proie, une abeille solitaire.
Ajaccio, 1992. |
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- (4) Une mention particulière doit être faite
pour les araignées errantes cannibales, de la famille
des Mimetidae, passant leur
temps de chasse sur la toile d'une consoeur, inaperçue,
et la saisissant lors d'un passage à proximité.
Cette technique de chasse n'est cependant pas sans risque, l'Araignée
cannibale détectée par sa proie devenant elle-même
à cette occasion le repas de l'autre.
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- (5) Les araignées sédentaires à toile
en tube peuvent, selon les cas, être terricoles (tube
de soie tissé soit dans un tunnel creusé par l'araignée
dans le sol soit dans un interstice du sol, d'un mur) ou épigées
(tube de soie tissé dans un buisson, dans une faille ouverte
de mur ou d'écorce). Le tube lui-même sert d'abri,
la chasse étant réalisée à son entrée.
Selon les cas, cette entrée est :
- ouverte, en forme de collerette maintenue ouverte par des
fils fixés aux aspérités environnantes,
ces fils étant adhésifs et empêtrant les
proies ou non adhésifs et les faisant trébucher
(familles des Segestriidae
et des Filistatidae) ;
- ouverte et environnée par un réseau plus ou
moins étendu, sans plan apparent, de fils en partie adhésifs
(famille des Amaurobiidae,
genre Stegodyphus de la famille des Eresidae) ;
- fermée par un opercule à charnière légèrement
soulevée lors des affûts de l'Araignée (mygales
des familles des Nemesiidae
et Ctenizidae) ;
- fermée par un repli de soie à claire-voie plus
ou moins étendu (cas unique du genre Eresus,
famille des Eresidae) ;
- fermée par un tube mou de soie en forme de «chaussette»
fermée, véritable prolongement extérieur
du tube souterrain, et au travers duquel se fait la capture des
proies (cas unique des mygales de la famille des Atypidae,
absente des régions méridionales).
Dans tous les cas, ces Araignées son très promptes
à jaillir pour se saisir d'une proie le plus souvent peu
ou pas retenue par de la soie adhésive, et leurs pattes
antérieures sont, comme celles des araignées errantes,
souvent armées de fortes épines. Seules les araignées
cribellates (Filistatidae, Amaurobiidae)
peuvent compter sur leur réseau pour empêtrer leurs
victimes efficacement.
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Jeune
Segestria florentina à l'entrée de sa toile
en tube. On voit certains des fils radiaires tendus à
la périphérie de la colerette et qui servent à
faire trébucher les insectes, alertant en même temps
l'araignée qui surgit très promptement.
Anghjone, 1998. |
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- (6) Les Araignées sédentaires à toile
en nappe tissent une toile non adhésive étendue,
en tissu souvent assez épais car chargé de soie
(et de poussières !) chaque jour, au cours de chaque
déplacement de l'Araignée. La retraite en forme
de tube est tout à fait comparable au type de toile précédente
(famille des Agelenidae),
mais peut être complètement absente (une partie
des Linyphiidae). La nappe
peut être surmontée d'un réseau de fils non
adhésifs qui arrêtent la course des insectes aériens
ou sauteurs et les fait tomber sur la nappe de capture, ce qui
s'observe particulièrement bien chez la très commune
agélénide Agelena labyrinthica (Clerck).
Ces Araignées se doivent d'être rapides, car les
insectes sont à peine ralentis dans leurs déplacements
et arrivent assez facilement, si la prédatrice ne les
mord pas avant, à s'évader du piège.
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Toile en nappe en forme de baldaquin et surmontée d'un
réseau de fils sans plan apparent, caractéristique
du genre Linyphia (ici, Linyphya tenuipalpis).
Bastia, 1995. |
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- (7) Les Araignées sédentaires à toile
irrégulière, écribellates comme les
Theridiidae ou cribellates
comme les Dictynidae, forment
un réseau de fils fixés les uns aux autres en tous
sens, sans plan apparent, avec parfois une nappe centrale relativement
bien individualisée. Les fils collants (Theridiidae)
ou adhésifs (Dictynidae) sont verticaux et placés
entre la nappe centrale qui est plus ou moins bien individualisée
et le support inférieur. Ainsi, ce sont surtout des insectes
marcheurs qui sont stoppés. La retraite, quand elle existe,
est généralement tubulaire ou sacciforme, cachée
dans une anfractuosité.
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Toile d'une Theridiidae du genre Anelosimus, tissée
au sommet d'une plante basse.
Biguglia, 1998. |
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- (8) Les Araignées sédentaires à toile
géométrique ou Araignées à
toile orbitèle, très connues pour la régularité
mathématiques de leur ouvrage en forme de roue, peuvent
être soit écribellate (familles des Theridisomatidae,
des Tetragnathidae, des Metidae, des Argiopidae)
soit cribellates (famille des Uloboridae).
En fait, cette spirale, qui résume bien souvent à
elle seule l'idée générale de la toile d'araignée
dans l'imagerie populaire, ne représente que la partie
captatrice d'une toile pouvant être très développée
par ailleurs ; cependant, toutes les orbitèles de
nos régions sauf une, absente de France continentale,
la Cyrtophora citricola (Forsköl), ont des
toiles largement dominées dans leur volume par la spirale.
D'autres araignées, communes dans les pays chauds, montrent
un vaste réseau du même type que celui surmontant
parfois les toiles en nappe et dans lequel elles insèrent
une petite spirale. Parmi les araignées à toile
orbitèle, seules les écribellates renouvellent
la spirale captatrice chaque jour, parfois même plusieurs
fois par jour. Pour ce faire, elles mangent la soie usagée
et en recyclent les protéines et autres molécules
constitutives très rapidement : vingt à trente
minutes suffisent pour retrouver les molécules ingérées
dans la nouvelle toile (observation réalisée à
partir de toiles marquées par des isotopes radioactifs
traçables).
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Toile caractéristique des araignées orbitèles,
en forme de roue. Cette roue-ci est facile à reconnaître :
elle a deux secteurs libres de spirale gluante, ce qui est la
signature spécifique d'une Zygiella (ici, la très
commune Zygiella x-notata).
Pozzu di brandu, 1997. |
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